Le coup de gueule vient cette fois des bancs flamands : Stefaan Van Hecke, chef du groupe Groen, parti politique belge de centre gauche qui se réclame écologiste, exige la fin immédiate des campagnes publicitaires de la Loterie nationale.
En effet, depuis que l’Arrêté royal du 27 février 2023 interdit les spots télévisés, affiches et autres encarts web pour les opérateurs privés, l’établissement public est le dernier acteur visible dans l’espace médiatique… « Cette exception fausse le marché et banalise le jeu auprès des plus jeunes », tonne le député, chiffres à l’appui : selon le centre d’expertise VAD, 29 % des élèves du secondaire ont déjà gratté un ticket et 18 % d’entre eux ont joué au Lotto. Chez les 12-14 ans, cette proportion grimpe même à 22 %.
Loterie nationale belge : des jeux « moins risqués », vraiment ?
Le gouvernement justifie le traitement préférentiel dont bénéficie actuellement la Loterie nationale par la nature « récréative » des produits de celle-ci, réputés moins addictifs que les paris sportifs ou les jeux de casino en ligne. Mais pour Groen, la frontière est devenue poreuse…
Sur son site web, l’opérateur public propose désormais des titres Woohoo qui, sous des allures de mini-jeux, reprennent la mécanique des machines à sous : mise instantanée, résultat immédiat, dopamine garantie. Fin mai, la Commission des Jeux de Hasard (CJH) a même estimé que les jeux Woohoo relèvent bel et bien de la catégorie des « jeux d’argent en ligne », un secteur pour lequel la Loterie nationale ne possède d’ailleurs aucune licence.
Plusieurs concurrents de la sphère privée, regroupés au sein du lobby BAGO, ont déposé plainte ; l’affaire doit être entendue à l’automne par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Si la justice tranche en leur faveur, l’établissement d’État pourrait se voir infliger une amende et être contraint de retirer sa gamme interactive du marché.
Une forte pression politique à l’approche du budget
Au-delà du dossier judiciaire, la question divise déjà la majorité fédérale. Les libéraux estiment que la Loterie finance à hauteur de 325 millions d’euros annuels le sport, la culture et la recherche, et qu’un durcissement brusque du cadre publicitaire priverait ces secteurs d’une ressource vitale.
Les écologistes, quant à eux, répliquent qu’un modèle économique fondé sur l’attrait des adolescents pour les jeux de grattage n’est pas soutenable : « La prévention du jeu excessif doit primer sur la manne budgétaire », insiste Van Hecke, qui prépare une proposition de loi alignant la Loterie sur les mêmes règles que Betfirst ou Unibet : dépôt obligatoire de spots sur la banque de données publicitaires, interdiction avant 23 heures et bannissement des réseaux sociaux fréquentés par les moins de 18 ans, entre autres choses.
Le ministre de la Justice sortant, Paul Van Tigchelt, promet une évaluation de l’Arrêté royal d’ici au mois de décembre. D’ici là, la Loterie, d’une totale désinvolture, poursuit ses tirages télévisés et ses campagnes « Good Causes ».
Dernière édition: 03/07/2025
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